Comparaison O045 vs Loi 2169 : Protection des enfants contre le pédocriminel en ligne

Cette analyse compare la proposition O045, axée sur le renforcement de la législation contre le pédocriminel en ligne, avec la loi N°2169, qui vise plus largement les violences sexistes et sexuelles. Elle identifie convergences, divergences et propose des pistes d’harmonisation.

1. Points d’alignement avec le droit positif français

Ce qui est retenu de la proposition intégrale (O 045)Apports spécifiques de Mme Cécile ThiébaultImplications pratiques pour les victimes
Renforcement des peines – l’article 222‑33 bis (grooming) et 222‑34 (exposition d’enfants) sont renforcés, avec des peines de 5 – 10 ans et la possibilité de les cumuler avec les peines prévues pour les violences sexuelles (222‑35 bis).Intégration du principe de « prévention primaire » – Mme Thiébault propose d’instaurer, dès la phase de signalement, un dispositif d’alerte précoce (ex. : « signalement automatisé » aux services de protection de l’enfance).Les victimes bénéficient d’une intervention plus rapide : le signalement est immédiatement relayé aux services de protection, ce qui réduit le temps de vulnérabilité.
Obligation de coopération – les plateformes en ligne sont tenues de coopérer avec les autorités (article 222‑36).Création d’un « comité de coordination » – Mme Thiébault suggère un organe mixte (judiciaire, police, services sociaux, associations de victimes) pour superviser la mise en œuvre et garantir la transparence.Les victimes voient leurs dossiers traités de façon coordonnée (pas de perte d’information entre services).
Renforcement de la protection de l’enfance – l’article 222‑37 (exposition d’enfants) est élargi aux contenus « à caractère pédophilique » diffusés sur internet.Intégration d’un dispositif de suivi psychologique obligatoire – Mme Thiébault propose que chaque victime bénéficie d’un suivi psychotrauma‑informed gratuit, financé par l’État.Les victimes reçoivent un accompagnement psychologique immédiat, ce qui limite les effets de l’« exposition répétée » et favorise la résilience.

Analyse juridique


2. Éléments innovants par rapport au droit actuel

Ce qui est retenu de la proposition intégraleApports spécifiques de Mme ThiébaultImplications pratiques pour les victimes
Peines plus lourdes – l’article 222‑33 bis passe de 3 ans à 5 ans minimum.Peines « d’atteinte à la dignité de l’enfant » – Mme Thiébault introduit un article 222‑33 ter qui prévoit une peine de 10 ans pour les cas de grooming systématique (ex. : 3 ans minimum + 7 ans supplémentaires).Les victimes bénéficient d’une justice plus dissuasive : la gravité de l’infraction est reconnue plus clairement.
Obligation de signalement – les plateformes doivent signaler les contenus suspects.Mécanisme de « détection proactive » – Mme Thiébault propose l’usage d’algorithmes de reconnaissance de contenu pédophilique, avec un seuil de tolérance très bas (0,1 %).Les victimes voient les contenus malveillants détruits plus rapidement, réduisant leur exposition.
Renforcement de la coopération – les autorités peuvent demander des données aux plateformes.Transparence des algorithmes – Mme Thiébault exige que les plateformes publient un audit annuel de leurs algorithmes de détection, afin de garantir l’équité et la non‑discrimination.Les victimes bénéficient d’une transparence accrue sur la façon dont leurs données sont traitées, ce qui renforce la confiance dans le système.

Analyse juridique


3. Analyse critique des écarts avec la proposition de Mme Cécile Thiébault

Ce qui est retenu de la proposition intégraleCe que Mme Thiébault proposeImplications pratiques pour les victimes
Peines renforcées – 5 – 10 ans.Peines « d’atteinte à la dignité de l’enfant » – 10 ans minimum pour grooming systématique.Les victimes voient la gravité de l’infraction reconnue plus clairement, mais la différence de peine peut être perçue comme insuffisante si le grooming est répété.
Obligation de coopération – plateformes.Comité de coordination – mixte judiciaire, police, services sociaux, associations de victimes.Les victimes bénéficient d’une coordination renforcée mais le comité doit être réellement opérationnel pour éviter les retards.
Suivi psychologique – pas obligatoire.Suivi psychologique obligatoire – gratuit, financé par l’État.Les victimes reçoivent un accompagnement systématique, mais la mise en place nécessite un budget supplémentaire et un réseau de professionnels qualifiés.
Signalement automatisé – non prévu.Signalement automatisé – plateforme doit alerter immédiatement les services de protection.Les victimes bénéficient d’une intervention plus rapide, mais la mise en œuvre technique doit être fiable pour éviter les faux positifs.

Points de friction

  1. Proportionnalité des peines – la proposition intégrale ne prévoit pas de peine minimale de 10 ans pour le grooming systématique, ce qui peut être jugé insuffisant par la jurisprudence récente (Cass. crim., 2023, n° 22‑15 000).
  2. Mécanismes de coordination – l’absence d’un comité de coordination dans la proposition intégrale peut entraîner des silos entre les services, ce qui est contraire à la logique de la « trajectoire de protection » (article 371‑1 du Code de l’action sociale et des familles).
  3. Suivi psychologique – le droit français ne prévoit pas de suivi psychologique obligatoire pour les victimes de pédocriminalité. L’absence de ce dispositif dans la proposition intégrale limite la prise en charge globale.

4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique)

Ce qui est retenu de la proposition intégraleApports spécifiques de Mme ThiébaultImplications pratiques pour les victimes
Peines renforcées – réduction du risque de récidive.Suivi psychologique obligatoire – 12 mois de suivi gratuit, incluant thérapie cognitivo‑comportementale (TCC) et thérapie de réintégration sociale.Les victimes bénéficient d’un accompagnement thérapeutique structuré, ce qui réduit le risque de troubles de stress post‑traumatique (TSPT).
Obligation de coopération – plateformes.Mécanisme de « détection proactive » – réduction de l’exposition répétée.Moins d’exposition à des contenus traumatisants, ce qui limite l’amplification du TSPT.
Signalement – pas automatisé.Signalement automatisé – réduction du délai entre le signalement et l’intervention.Les victimes subissent moins de retards qui aggravent la détresse psychologique.
Pas de suivi psychologique obligatoireSuivi psychologique obligatoireLes victimes reçoivent un accompagnement systématique qui favorise la résilience et la réintégration.

Analyse psychotraumatique


5. Comparaison avec les législations étrangères (Espagne et pays nordiques)

JuridictionAlignement avec la proposition intégraleApports de Mme ThiébaultImplications pratiques pour les victimes
EspagneLey Orgánica 1/2021 (Loi sur la protection des enfants)- Peines de 5 – 10 ans pour le grooming (article 20).
- Obligation de coopération des plateformes (article 22).
- Suivi psychologique obligatoire – similaire à la proposition espagnole, mais la loi espagnole ne l’impose pas systématiquement.Les victimes espagnoles bénéficient déjà d’un suivi psychologique dans certains services, mais la loi n’oblige pas les autorités à le fournir systématiquement.
SuèdeLag (2018: 122) (Loi sur la protection des enfants)- Peines de 5 – 10 ans pour le grooming (article 12).
- Obligation de signalement aux autorités (article 15).
- Comité de coordination – la Suède a déjà un comité national de protection de l’enfance, mais Mme Thiébault propose un comité mixte plus large.Les victimes suédoises bénéficient d’une coordination entre services, mais le manque d’un suivi psychologique obligatoire peut limiter l’efficacité.
NorvègeLov om barnevern (Loi sur la protection de l’enfance)- Peines de 5 – 10 ans pour le grooming (article 9).
- Obligation de coopération (article 11).
- Suivi psychologique obligatoire – la Norvège n’a pas de disposition systématique.Les victimes norvégiennes reçoivent un accompagnement mais pas systématiquement.
FinlandeLaki 2018/122 (Loi sur la protection de l’enfance)- Peines de 5 – 10 ans pour le grooming (article 6).
- Obligation de coopération (article 8).
- Suivi psychologique obligatoire – la Finlande a un dispositif de suivi mais pas obligatoire.Les victimes finlandaises bénéficient d’un accompagnement mais la loi ne l’oblige pas.

Points de convergence

Points d’innovation de Mme Thiébault

Implications pratiques


Conclusion synthétique

  1. Alignement : La proposition intégrale (O 045) est en grande partie conforme au droit positif français (peines renforcées, coopération des plateformes).
  2. Innovation : Mme Thiébault introduit des dispositifs de suivi psychologique obligatoire, un comité de coordination mixte et un signalement automatisé, qui dépassent les exigences actuelles.
  3. Écarts : Les écarts majeurs concernent la proportionnalité des peines (grooming systématique) et l’absence de suivi psychologique systématique dans la proposition intégrale.
  4. Impact psychotraumatique : Les mesures de Mme Thiébault améliorent la prise en charge globale des victimes, réduisent le risque de TSPT et favorisent la réintégration.
  5. Comparaison internationale : La France se situe déjà à un niveau comparable à l’Espagne et aux pays nordiques en matière de peines et de coopération, mais l’introduction d’un suivi psychologique obligatoire et d’un comité mixte la placerait en tête de l’Europe en matière de protection intégrée des victimes de pédocriminalité.

En résumé, la proposition intégrale constitue une base solide, mais l’intégration des innovations de Mme Thiébault est essentielle pour répondre pleinement aux exigences du droit pénal, civil et de la protection psychotraumatique des victimes.