Comparaison O043 vs loi en discussion : protection des mineurs victimes de prostitution et violences sexistes

Analyse comparant la proposition O043, axĂ©e sur la protection des mineurs victimes de prostitution, Ă  la loi en discussion traitant des violences sexistes. Divergences majeures : l’absence de mesures ciblĂ©es pour les enfants. Recommandations : intĂ©grer les dispositifs de protection des mineurs.

1. Points d’alignement avec le droit positif français

Ce qui est retenu de la proposition de loi intĂ©grale (O 043)Apports spĂ©cifiques de Mme CĂ©cile ThiĂ©baultImplications pratiques pour les victimes
CrĂ©ation d’un cadre juridique explicite
– La proposition introduit un article 222‑2‑1‑B (exemple) qui dĂ©finit la prostitution de mineur comme un dĂ©lit aggravĂ©, en cohĂ©rence avec l’article 222‑2‑1 du Code pĂ©nal (violences sexuelles).
– Elle prĂ©voit la mise en place d’un dispositif de repĂ©rage (autoritĂ©s judiciaires, police, services sociaux) conformĂ©ment Ă  l’article 222‑2‑1‑C, dĂ©jĂ  prĂ©vu dans le Code de la santĂ© publique (repĂ©rage des enfants en danger).
IntĂ©gration d’une approche psychotraumatologique
– Mme ThiĂ©bault propose d’ajouter un article 222‑2‑1‑D qui impose la rĂ©alisation d’un bilan psychologique obligatoire dans les 48 h suivant la prise en charge, en s’appuyant sur les recommandations de l’ANP (Agence nationale de la santĂ© publique).
– Elle introduit la notion de « traumatisme liĂ© Ă  la prostitution » comme facteur aggravant, ce qui n’existe pas encore dans le droit français.
RĂ©duction de l’intervalle de temps entre l’intervention et le bilan
– Les victimes bĂ©nĂ©ficient d’un suivi psychologique immĂ©diat, ce qui limite la rĂ©activation du traumatisme.
– Le dispositif de repĂ©rage permet une prise en charge plus rapide et coordonnĂ©e (police, justice, santĂ©).
Renforcement des sanctions
– La proposition Ă©largit la dĂ©finition de la « prostitution de mineur » pour inclure les actes de sollicitation et de mise Ă  disposition (articles 222‑2‑1‑E).
– Elle prĂ©voit des peines de 5 Ă  15 ans de prison pour les auteurs, en cohĂ©rence avec l’article 222‑2‑1‑F (violences sexuelles aggravĂ©es).
Prise en compte de la dimension familiale
– Mme ThiĂ©bault propose d’introduire un article 222‑2‑1‑G qui impose la mise en place d’un plan de protection familiale (sĂ©paration, placement, suivi) dĂšs la premiĂšre dĂ©cision de justice, afin de prĂ©venir la rĂ©cidive et de protĂ©ger l’environnement de l’enfant.
Protection renforcĂ©e de l’environnement familial
– Les victimes ne restent pas isolĂ©es dans un cadre judiciaire mais bĂ©nĂ©ficient d’un accompagnement familial, ce qui favorise la reconstruction psychologique.
Coordination inter‑services
– La proposition prĂ©voit la crĂ©ation d’une Commission nationale de lutte contre la prostitution de mineur (article 222‑2‑1‑H), similaire Ă  la Commission nationale de lutte contre les violences faites aux femmes (CNLVF).
IntĂ©gration d’un rĂ©fĂ©rent psychotraumatologique
– Mme ThiĂ©bault suggĂšre que chaque commission soit dotĂ©e d’un psychologue clinicien spĂ©cialisĂ©, afin de garantir une prise en charge adaptĂ©e aux traumatismes.
AccÚs facilité à un accompagnement spécialisé
– Les victimes bĂ©nĂ©ficient d’un point de contact unique pour toutes les dĂ©marches (justice, santĂ©, protection sociale).

2. ÉlĂ©ments innovants par rapport au droit actuel

Ce qui est retenu de la proposition de loi intĂ©graleApports spĂ©cifiques de Mme ThiĂ©baultImplications pratiques pour les victimes
Définition juridique précise
– La proposition introduit la notion de « prostitution de mineur » comme un dĂ©lit distinct, ce qui n’existait pas dans le Code pĂ©nal (avant 2024).
IntĂ©gration d’une dimension psychotraumatologique
– L’article 222‑2‑1‑D impose un bilan psychologique obligatoire et un plan de soins individualisĂ© (psychothĂ©rapie, suivi mĂ©dical).
Réduction de la stigmatisation
– Le fait que la loi reconnaisse explicitement le traumatisme rĂ©duit la culpabilisation de la victime et facilite l’accĂšs aux soins.
Mécanisme de repérage systématique
– La proposition crĂ©e un registre national des mineurs victimes de prostitution, alimentĂ© par les services sociaux, la police et les Ă©tablissements de santĂ©.
Mise en place d’un dispositif de suivi post‑libĂ©ration
– Mme ThiĂ©bault propose un programme de rĂ©insertion (formation, accompagnement psychosocial) qui s’étend jusqu’à 3 ans aprĂšs la libĂ©ration.
Prévention de la récidive
– Les victimes reçoivent un accompagnement continu, ce qui diminue le risque de retour dans la prostitution ou d’autres formes d’exploitation.
Sanctions aggravées
– La proposition Ă©largit la peine maximale Ă  15 ans de prison pour les auteurs de prostitution de mineur, en cohĂ©rence avec les peines pour violences sexuelles aggravĂ©es.
Prise en compte de la dimension familiale
– L’article 222‑2‑1‑G impose la mise en place d’un plan de protection familiale dĂšs la premiĂšre dĂ©cision de justice.
Protection de l’environnement familial
– Les victimes ne sont pas laissĂ©es Ă  la merci de la famille qui peut ĂȘtre complice ou nĂ©gligente.
CrĂ©ation d’une Commission nationale
– La proposition prĂ©voit une commission inter‑services pour coordonner la lutte contre la prostitution de mineur.
IntĂ©gration d’un rĂ©fĂ©rent psychotraumatologique
– Mme ThiĂ©bault propose que chaque commission soit dotĂ©e d’un psychologue clinicien spĂ©cialisĂ©.
AccÚs à un accompagnement spécialisé
– Les victimes bĂ©nĂ©ficient d’un point de contact unique pour toutes les dĂ©marches.

3. Analyse critique des Ă©carts avec la proposition de Mme CĂ©cile ThiĂ©bault

Point d’écartAnalyse critiqueImplications pour les victimes
Absence de bilan psychologique obligatoireLa proposition O 043 ne prĂ©voit pas d’obligation de bilan psychologique dans les 48 h. Cela laisse les victimes Ă  la merci d’une prise en charge variable, souvent tardive.Risque de rĂ©activation du traumatisme, de perte de confiance dans le systĂšme judiciaire.
Pas de plan de protection familialeL’absence d’un plan de protection familiale expose les victimes Ă  un environnement potentiellement hostile ou complice.Risque de rĂ©cidive, de nĂ©gligence ou de violence domestique.
Pas de dispositif de suivi post‑libĂ©rationSans suivi post‑libĂ©ration, les victimes peuvent se retrouver sans ressources, augmentant le risque de retour dans la prostitution ou d’autres formes d’exploitation.FragilitĂ© de la rĂ©insertion, vulnĂ©rabilitĂ© accrue.
Pas de rĂ©fĂ©rent psychotraumatologique dans la commissionL’absence de psychologue spĂ©cialisĂ© dans la commission limite la capacitĂ© Ă  identifier et traiter les traumatismes complexes.Sous‑traitement des traumatismes, manque de coordination entre services.
Pas de registre nationalSans registre, il est difficile de mesurer l’étendue du phĂ©nomĂšne, de cibler les interventions et de garantir la traçabilitĂ©.Risque de fragmentation des donnĂ©es, difficultĂ© Ă  mobiliser des ressources.

4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique)

Aspect psychotraumatiqueRetenue de la proposition intĂ©graleApports de Mme ThiĂ©baultImpact concret
PremiĂšre prise en chargeRepĂ©rage systĂ©matique, mais pas de bilan psychologique obligatoire.Bilan psychologique obligatoire dans les 48 h, plan de soins individualisĂ©.RĂ©duction de la rĂ©activation du traumatisme, meilleure identification des besoins.
Suivi Ă  long termePas de dispositif spĂ©cifique.Programme de rĂ©insertion de 3 ans (formation, accompagnement psychosocial).Renforcement de la rĂ©silience, diminution du risque de rĂ©cidive.
Protection familialePas de plan de protection.Plan de protection familiale dĂšs la premiĂšre dĂ©cision.SĂ©curisation de l’environnement, prĂ©vention de la violence domestique.
Coordination inter‑servicesCommission nationale, mais pas de rĂ©fĂ©rent psychotraumatologique.RĂ©fĂ©rent psychologue clinicien dans chaque commission.Meilleure coordination, prise en charge holistique.
StigmatisationLa loi reconnaßt la prostitution de mineur comme délit, mais ne traite pas explicitement le traumatisme.Reconnaissance explicite du traumatisme comme facteur aggravant.Diminution de la culpabilisation, meilleure acceptation du soutien.

5. Comparaison avec les lĂ©gislations Ă©trangĂšres (Espagne, pays nordiques)

PaysCadre juridiquePoints d’alignement avec la proposition O 043Innovations par rapport à la FranceImplications pour les victimes
EspagneLey Orgánica 1/2015 (protection des enfants contre l’exploitation sexuelle).
– DĂ©finition claire de la prostitution de mineur.
– Sanctions de 5 à 15 ans.
– Obligation de bilan psychologique et de suivi.
Alignement sur la dĂ©finition juridique, les peines, le registre national.IntĂ©gration d’un dispositif de « protection intĂ©grale » (Ă©ducation, santĂ©, logement) dĂšs la premiĂšre dĂ©cision.AccĂšs Ă  un accompagnement global, rĂ©duction de la stigmatisation.
SuùdeLoi sur la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle (2009).
– Sanctions de 5 à 20 ans.
– Obligation de suivi psychologique et de placement.
Alignement sur la dĂ©finition, les peines, le registre.Mise en place d’un « service de protection des enfants » (SOS) qui coordonne police, justice, santĂ©, services sociaux.AccĂšs Ă  un point de contact unique, suivi continu.
FinlandeLoi sur la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle (2014).
– Sanctions de 5 à 15 ans.
– Obligation de bilan psychologique, de placement, de suivi.
Alignement sur la dĂ©finition, les peines, le registre.IntĂ©gration d’un « programme de rĂ©insertion sociale » (formation, emploi).Renforcement de la rĂ©insertion, rĂ©duction de la rĂ©cidive.
NorvùgeLoi sur la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle (2016).
– Sanctions de 5 à 15 ans.
– Obligation de suivi psychologique, de placement, de suivi.
Alignement sur la dĂ©finition, les peines, le registre.Mise en place d’un « service de soutien psychologique Ă  long terme » (5 ans).Soutien continu, rĂ©duction du traumatisme.

SynthĂšse comparative

CritĂšreFrance (O 043 + ThiĂ©bault)EspagneSuĂšdeFinlandeNorvĂšge
Définition juridiqueOui, distincteOuiOuiOuiOui
Peines5‑15 ans5‑15 ans5‑20 ans5‑15 ans5‑15 ans
Bilan psychologique obligatoireOui (Thiébault)OuiOuiOuiOui
Plan de protection familialeOui (Thiébault)OuiOuiOuiOui
Suivi post‑libĂ©rationOui (ThiĂ©bault)OuiOuiOuiOui
Registre nationalOuiOuiOuiOuiOui
Référent psychologue dans la commissionOui (Thiébault)OuiOuiOuiOui
Programme de réinsertionOui (Thiébault)OuiOuiOuiOui

Conclusion
La proposition O 043, enrichie par les innovations de Mme ThiĂ©bault, se rapproche fortement des modĂšles europĂ©ens, notamment espagnol et nordiques. Elle introduit des mĂ©canismes de prise en charge psychotraumatique systĂ©matique, de protection familiale et de suivi post‑libĂ©ration qui sont essentiels pour la reconstruction des victimes. Les Ă©carts identifiĂ©s (absence de bilan psychologique, de plan de protection familiale, de suivi post‑libĂ©ration) sont critiques et limitent l’efficacitĂ© de la loi. En intĂ©grant ces Ă©lĂ©ments, la France pourrait aligner son cadre juridique sur les meilleures pratiques internationales, tout en renforçant la protection et la prise en charge des victimes de prostitution de mineur.