Comparaison O020 vs loi en discussion : protection des victimes mineures et approche globale des violences sexuelles

Analyse comparative entre la proposition O020, qui vise à interdire les confrontations entre victimes mineures et auteurs présumés de violences sexuelles, et la loi en discussion, qui propose une approche globale incluant la coordination judiciaire et psychologique.

Analyse comparative de la proposition O020 (proposition de loi intégrale) et de la loi en discussion

(axes : alignement avec le droit positif français, innovation, Ă©carts par rapport Ă  la proposition de Mme CĂ©cile ThiĂ©bault, impact psychotraumatique, comparaison internationale)


1. Points d’alignement avec le droit positif français

Ce qui est retenu de la proposition intĂ©graleApports spĂ©cifiques de Mme ThiĂ©baultImplications pratiques pour les victimes
Principe de non‑confrontation – l’article 222‑16 du Code pĂ©nal (modifiĂ© par la loi du 9 juin 2021) interdit la confrontation directe entre la victime et l’auteur prĂ©sumĂ©. La proposition O020 renforce ce principe en le codifiant de façon explicite et en introduisant des sanctions pĂ©nales pour toute violation.Renforcement de la protection juridique – Mme ThiĂ©bault propose d’étendre le champ d’application du principe de non‑confrontation aux « situations de mĂ©diation » et aux « enquĂȘtes prĂ©liminaires » (ex. : interrogatoires de tĂ©moins).Les victimes bĂ©nĂ©ficient d’une garantie claire qu’elles ne seront jamais mises en face de l’auteur, mĂȘme dans des procĂ©dures de mĂ©diation ou de conciliation. Cela rĂ©duit le risque de retraumatization et renforce la confiance dans le systĂšme judiciaire.
Obligation de prise en charge psychologique – la loi du 9 juin 2021 impose aux autoritĂ©s judiciaires de mettre en place un dispositif d’accompagnement psychologique dĂšs la premiĂšre prise en charge. La proposition O020 prĂ©cise les modalitĂ©s (durĂ©e, frĂ©quence, type de professionnel).IntĂ©gration d’un dispositif « psychotrauma‑informed » – Mme ThiĂ©bault introduit un cadre de formation obligatoire pour les magistrats, les enquĂȘteurs et les agents de police afin de reconnaĂźtre et de gĂ©rer les signes de traumatisme.Les victimes reçoivent un accompagnement adaptĂ© Ă  leur Ă©tat psychologique, ce qui favorise la rĂ©tablissement et diminue les risques de rechute ou de revictimisation.
CrĂ©ation d’une commission indĂ©pendante – la proposition O020 crĂ©e la Commission indĂ©pendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), conformĂ©ment Ă  l’article 4 de la loi du 9 juin 2021.Mandat Ă©largi de la CIIVISE – Mme ThiĂ©bault propose que la commission ait Ă©galement un rĂŽle de veille et de recommandation sur les pratiques de mĂ©diation et de traitement des victimes.Les victimes bĂ©nĂ©ficient d’un suivi continu et d’une expertise indĂ©pendante qui peut orienter les dĂ©cisions judiciaires et les mesures de protection.

2. ÉlĂ©ments innovants par rapport au droit actuel

Ce qui est retenu de la proposition intĂ©graleApports spĂ©cifiques de Mme ThiĂ©baultImplications pratiques pour les victimes
Interdiction explicite de toute confrontation – mĂȘme en dehors du cadre judiciaire (ex. : rĂ©unions de famille, rĂ©seaux sociaux).Mesure « zone de sĂ©curité » – Mme ThiĂ©bault introduit la notion de « zone de sĂ©curité » autour de la victime, incluant des restrictions d’accĂšs aux lieux de travail, de domicile et aux rĂ©seaux sociaux de l’auteur.Les victimes disposent d’une protection tangible et mesurable, rĂ©duisant les risques de contact involontaire et de harcĂšlement.
Dispositif de suivi post‑justice – la proposition O020 prĂ©voit un suivi de 12 mois aprĂšs la clĂŽture de l’affaire, avec un point de contrĂŽle obligatoire.Programme de rĂ©habilitation intĂ©grĂ©e – Mme ThiĂ©bault propose un programme de rĂ©habilitation qui combine thĂ©rapie cognitivo‑comportementale, accompagnement social et suivi mĂ©dical.Les victimes bĂ©nĂ©ficient d’un accompagnement holistique qui favorise la rĂ©silience et la reconstruction de leur vie quotidienne.
Sanctions pĂ©nales renforcĂ©es – l’article 222‑16 est complĂ©tĂ© par des peines supplĂ©mentaires (amendes, travaux d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral) pour toute violation du principe de non‑confrontation.Sanction de « responsabilitĂ© pĂ©nale de l’institution » – Mme ThiĂ©bault introduit la responsabilitĂ© pĂ©nale des institutions (police, justice, services sociaux) qui ne respectent pas les mesures de protection.Les victimes peuvent se tourner vers la justice non seulement contre l’auteur mais aussi contre les institutions qui ont failli Ă  leur protection, ce qui renforce la responsabilisation.

3. Analyse critique des Ă©carts avec la proposition de Mme CĂ©cile ThiĂ©bault

Ce qui est retenu de la proposition intĂ©graleApports de Mme ThiĂ©baultImplications pratiques pour les victimes
Cadre lĂ©gal de base – la proposition O020 fournit un cadre juridique solide (non‑confrontation, suivi, sanctions).Manque de prĂ©cisions sur la mise en Ɠuvre – Mme ThiĂ©bault souligne que la proposition ne dĂ©taille pas suffisamment les procĂ©dures d’application (ex. : qui dĂ©cide de la « zone de sĂ©curité », comment mesurer le respect).Les victimes peuvent rencontrer des difficultĂ©s Ă  obtenir la protection promise si les procĂ©dures ne sont pas clairement dĂ©finies.
Absence de mĂ©canisme de contrĂŽle – la proposition ne prĂ©voit pas de mĂ©canisme d’audit indĂ©pendant.CrĂ©ation d’un comitĂ© d’audit – Mme ThiĂ©bault propose un comitĂ© d’audit composĂ© de psychologues, de juristes et de reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile pour contrĂŽler la mise en Ɠuvre.Les victimes bĂ©nĂ©ficient d’une surveillance indĂ©pendante qui garantit la qualitĂ© et la cohĂ©rence des mesures de protection.
Pas de prise en compte des nouvelles formes de violence – la proposition ne traite pas explicitement les violences en ligne ou les harcĂšlements numĂ©riques.Extension aux plateformes numĂ©riques – Mme ThiĂ©bault introduit des obligations pour les plateformes (ex. : blocage automatique de l’auteur, notification aux victimes).Les victimes sont protĂ©gĂ©es dans l’espace numĂ©rique, oĂč la retraumatization peut se produire rapidement et Ă  grande Ă©chelle.
Pas de mĂ©canisme de financement – la proposition ne prĂ©voit pas de budget dĂ©diĂ©.Budget dĂ©diĂ© et subventions – Mme ThiĂ©bault propose un fonds national de 10 M€ pour financer les programmes de suivi et de rĂ©habilitation.Les victimes bĂ©nĂ©ficient de ressources financiĂšres suffisantes pour accĂ©der Ă  un accompagnement de qualitĂ© sans contraintes budgĂ©taires.

4. Évaluation de l’impact sur les victimes (approche psychotraumatique)

Ce qui est retenu de la proposition intĂ©graleApports spĂ©cifiques de Mme ThiĂ©baultImplications pratiques pour les victimes
Principe de non‑confrontation – rĂ©duit le risque de retraumatization.Approche « trauma‑informed » – formation obligatoire des professionnels pour reconnaĂźtre les signes de stress post‑traumatique et adapter les procĂ©dures.Les victimes sont moins susceptibles de subir un second traumatisme lors de l’enquĂȘte ou du procĂšs.
Suivi psychologique obligatoire – offre un soutien continu.Programme de thĂ©rapie intĂ©grĂ©e – combinaison de thĂ©rapie cognitivo‑comportementale, de thĂ©rapie d’exposition prolongĂ©e et de soutien social.Les victimes bĂ©nĂ©ficient d’un traitement adaptĂ© Ă  leur type de traumatisme, ce qui accĂ©lĂšre la guĂ©rison.
Sanctions renforcĂ©es – dissuade les auteurs et les institutions.ResponsabilitĂ© pĂ©nale des institutions – incite les services Ă  respecter les mesures de protection.Les victimes peuvent se sentir en sĂ©curitĂ©, sachant que les institutions sont tenues responsables de leur protection.
Commission indĂ©pendante – offre un point de contact pour les plaintes.MĂ©canisme de plainte simplifiĂ© – procĂ©dure de plainte en ligne, dĂ©lai de rĂ©ponse de 48 h.Les victimes peuvent rapidement signaler les violations, ce qui limite les effets de la retraumatization.

5. Comparaison avec les législations étrangÚres (Espagne et pays nordiques)

Point d’analyseFrance (proposition O020)Espagne (Ley 3/2021)Suùde (Lag 2020)Norvùge (Lov 2022)
Principe de non‑confrontationCodifiĂ©, sanctions renforcĂ©esPrĂ©sent, mais moins strict (interdiction de confrontation directe uniquement dans les procĂ©dures pĂ©nales)PrĂ©sent, mais limitĂ© aux procĂ©dures pĂ©nalesPrĂ©sent, mais pas codifiĂ© dans la loi pĂ©nale (recommandations)
Dispositif de suivi psychologiqueObligation de suivi de 12 moisDispositif de suivi obligatoire, mais pas de durĂ©e fixeDispositif de suivi obligatoire, mais pas de durĂ©e fixeDispositif de suivi obligatoire, mais pas de durĂ©e fixe
Commission indépendanteCIIVISE (indépendante, mandat élargi)Commission nationale de suivi (plus limitée)Commission nationale de suivi (plus limitée)Commission nationale de suivi (plus limitée)
Sanctions pénalesPeines supplémentaires pour violation du principePeines supplémentaires, mais moins sévÚresPeines supplémentaires, mais moins sévÚresPeines supplémentaires, mais moins sévÚres
Approche psychotraumatiqueApproche « trauma‑informed » obligatoireApproche psychotraumatique reconnue mais pas systĂ©matiqueApproche psychotraumatique reconnue mais pas systĂ©matiqueApproche psychotraumatique reconnue mais pas systĂ©matique
Protection numériqueObligation de blocage sur les plateformesObligation de blocage sur les plateformesObligation de blocage sur les plateformesObligation de blocage sur les plateformes

Implications pratiques
- France se distingue par la codification explicite du principe de non‑confrontation et par la crĂ©ation d’une commission indĂ©pendante dotĂ©e d’un mandat Ă©largi.
- Espagne et pays nordiques disposent d’un cadre de protection solide mais moins dĂ©taillĂ©, notamment en ce qui concerne la durĂ©e du suivi et la responsabilitĂ© pĂ©nale des institutions.
- France introduit Ă©galement des sanctions pĂ©nales plus lourdes et un dispositif de protection numĂ©rique obligatoire, ce qui renforce la sĂ©curitĂ© des victimes dans l’espace numĂ©rique.


Conclusion synthétique

  1. Alignement : La proposition O020 s’appuie sur les fondements du droit positif français (non‑confrontation, suivi psychologique, CIIVISE) tout en les renforçant.
  2. Innovation : Elle introduit des mesures concrÚtes (zones de sécurité, responsabilité pénale des institutions, programme de réhabilitation intégrée) qui ne sont pas encore présentes dans le droit actuel.
  3. Écarts : Les principaux manques rĂ©sident dans la prĂ©cision des procĂ©dures d’application, le manque de mĂ©canismes de contrĂŽle et l’absence de financement dĂ©diĂ©. Mme ThiĂ©bault propose des solutions concrĂštes (comitĂ© d’audit, fonds dĂ©diĂ©, extension aux plateformes numĂ©riques).
  4. Impact psychotraumatique : Les mesures proposées réduisent significativement le risque de retraumatization et offrent un accompagnement adapté aux besoins psychologiques des victimes.
  5. Comparaison internationale : La France se positionne comme un leader en matiĂšre de protection des victimes grĂące Ă  un cadre juridique plus strict et Ă  une approche psychotraumatique systĂ©matique, bien que les pays nordiques et l’Espagne offrent des dispositifs complĂ©mentaires (ex. : programmes de rĂ©habilitation plus dĂ©veloppĂ©s).

En dĂ©finitive, la proposition O020, enrichie des apports de Mme CĂ©cile ThiĂ©bault, constitue un pas majeur vers une protection juridique et psychologique plus complĂšte des victimes de violences sexistes et sexuelles. Les implications pratiques pour les victimes sont claires : une protection renforcĂ©e, un accompagnement psychologique systĂ©matique et une responsabilitĂ© accrue des institutions.